Simple à cultiver et séduisant, ce légume ancien se sème comme une carotte avec une douceur amandée.

Michel Duchène
Michel Duchène
13 Min de lecture
Notez cet article !

Il y a presque vingt ans, dans le jardin de mon grand-père, j’ai fait la rencontre inattendue du chervis. À première vue, ces racines blanches m’ont semblé être de simples carottes. Cependant, j’ai très vite découvert que leur goût unique, alliant une douceur d’amande, était bien différent. Cette saveur a marqué ma mémoire, et aujourd’hui, face à un regain d’intérêt pour les légumes oubliés, le chervis revient sur le devant de la scène.

Ce légume ancien, qui a été cultivé depuis l’Antiquité avant de céder sa place à la pomme de terre, mérite le détour. Sa culture, très similaire à celle de la carotte, est relativement simple et accessible, même pour ceux qui débutent dans le jardinage. En retour, vos efforts seront largement récompensés par des racines savoureuses.

Le chervis : un légume royal aux racines historiques

Le chervis (Sium sisarum) fait partie de la famille des Apiacées, qui inclut également d’autres légumes comme la carotte ou le céleri. Cette plante vivace, originaire d’Asie, a connu une large diffusion en Europe dès l’Antiquité romaine, où elle était si appréciée que les Romains l’ont propagée dans toutes les régions où ils s’implantaient.

Au fil des siècles, et surtout au Moyen Âge jusqu’à la Renaissance, le chervis est devenu un légume de choix. Il était si prisé que l’empereur Tibère le demandait en tribut des tribus germaniques. En France, Louis XIV lui-même l’aimait tant qu’il en faisait cultiver dans les potagers royaux à Versailles.

Malheureusement, l’émergence de la pomme de terre au XVIIIe siècle a fait basculer le chervis dans l’oubli. Plus productive et plus facile à manipuler, la pomme de terre a rapidement supplanté de nombreuses espèces de légumes-racines, reléguant le chervis au statut de curiosité.

Découverte des caractéristiques botaniques du chervis

En observant le chervis, on peut le définir comme une plante herbacée qui atteint entre 60 et 100 cm de hauteur. Son feuillage se rapproche de celui du céleri, présentant des feuilles composées, pennées et dentées. En été, la plante fleurit en produisant des ombelles de petites fleurs blanches.

Cependant, c’est sous terre qu’elle révèle son véritable beau trésor : une collection de racines blanches, charnues et cylindriques qui ressemblent à des carottes blanches ou à des salsifis. Contrairement à la carotte qui développe une racine principale, le chervis forme un ensemble de 8 à 12 racines partant d’une même souche.

Les bénéfices nutritionnels du chervis

Le chervis est riche en nutriments :

  • Amidon (environ 20%)
  • Protéines (entre 1,5 et 2%)
  • Fibres bénéfiques pour le transit intestinal
  • Minéraux comme le potassium et le calcium
  • Vitamine C

Particularité intéressante : sa teneur en inuline, une fibre soluble, en fait un légume recommandable pour les personnes surveillant leur glycémie. L’inuline aide à maintenir un taux de sucre sanguin stable et favorise la croissance d’une flore intestinale saine.

Guide pour cultiver le chervis à la maison

La culture du chervis se rapproche de celle de la carotte, avec quelques différences essentielles. Voici un guide pour vous aider à faire croître de belles racines savoureuses.

Préparer le sol et réaliser le semis

Le chervis s’épanouit dans des sols :

  • Légers et profonds, facilitant le développement des racines
  • Bien drainés, car la plante redoute l’excès d’humidité
  • Riches en matière organique, sans utiliser de fumure fraîche
  • Neutres à légèrement acides (pH entre 6,5 et 7)

Pour préparer le sol, creusez en profondeur (au moins 30 cm) et travaillez bien la surface. Enlevez les cailloux qui pourraient altérer la forme des racines.

Les semis s’effectuent de mars à mai, lorsque le sol commence à se réchauffer. Tracez des sillons de 1 à 2 cm de profondeur, avec un espacement de 30 cm. Semez clair, car les graines sont petites, puis recouvrez légèrement de terre fine. Tassez délicatement et arrosez en pluie fine.

Maintenance et croissance

Une fois les plants levés (cela prend environ 2 à 3 semaines), procédez à un éclaircissage pour garantir un espace de 10 à 15 cm entre chaque plant. Cette étape est essentielle pour que les racines se développent correctement.

L’entretien n’est pas compliqué :

  • Arrosages réguliers sans excès, surtout durant les périodes sèches
  • Désherbage minutieux, car le chervis ne supporte pas la concurrence
  • Binage pour aérer le sol et faciliter l’infiltration de l’eau

Contrairement aux carottes, il n’est pas nécessaire de protéger le chervis contre des insectes nuisibles comme la mouche de la carotte.

Récolter et conserver le chervis

La récolte se fait généralement à l’automne, soit environ 5 à 6 mois après le semis, lorsque les feuilles commencent à jaunir. On peut commencer à récolter dès octobre, bien que les racines gagnent en goût après les premières gelées, qui transforment l’amidon en sucres.

Pour la récolte, utilisez une fourche-bêche pour soulever délicatement les racines afin de ne pas les casser. Nettoyez-les en enlevant la terre, puis coupez le feuillage en laissant 2 à 3 cm de collet.

Les méthodes de conservation comprennent :

  • Dans une cave fraîche (entre 2 et 5°C), entourées de sable légèrement humide
  • En jauge dans le jardin, recouvertes de paille en cas de gel intense
  • En congélation, après un blanchiment de 3 minutes dans de l’eau bouillante

Une astuce de jardinier : laissez quelques plants en terre pendant l’hiver. Ainsi, vous pourrez les cueillir au fur et à mesure de vos besoins. La plante étant vivace, elle repartira au printemps et produira des graines que vous pourrez récolter pour les semis ultérieurs.

Multiplier le chervis : graines et division

Pour augmenter vos cultures de chervis, deux techniques sont possibles :

La méthode des semis

Les graines de chervis conservent leur viabilité pendant 2 à 3 ans. Pour produire vos propres semences, laissez quelques plants fleurir durant leur deuxième année. Les ombelles développeront des graines que vous récolterez une fois qu’elles seront bien sèches, généralement à la fin de l’été.

Un conseil précieux : les graines fraîches germent plus efficacement que les graines conservées. Si vous le pouvez, semez-les dès qu’elles sont récoltées ou au printemps suivant.

La division des touffes

Au printemps, vous avez également la possibilité de diviser les souches des plants âgés de deux ans. Déterrez-les avec précaution et séparez les racines en veillant à conserver un bourgeon sur chaque partie. Plantez-les immédiatement à un intervalle de 30 cm.

Cette méthode vous donnera des plants identiques à la plante-mère et vous assurera une récolte plus rapide.

Le chervis en cuisine : une saveur unique et polyvalente

Le profil gastronomique du chervis repose sur sa douceur, souvent comparée à celle de l’amande ou du panais, avec des nuances de noisette. Cette saveur délicate s’exprime pleinement après les premiers frimas.

Préparation des racines pour la cuisson

Avant de cuisiner, il est impératif de préparer les racines de chervis :

  1. Lavez soigneusement pour enlever toute trace de terre
  2. Brossez délicatement sous l’eau (ne les pelez pas, la peau fine réduit le gaspillage et contient des arômes)
  3. Coupez les extrémités et les parties abîmées
  4. Détaillez-les selon votre besoin : rondelles, bâtonnets ou entières pour les petites racines

Les différentes techniques de cuisson

Le chervis se prête à de multiples méthodes culinaires :

Méthode Temps Particularités
À l’eau 15-20 min Préserve la texture tout en permettant de réaliser de délicieuses purées
À la vapeur 20-25 min Conserve appréciablement les saveurs et les nutriments
Sauté/poêlé 10-15 min Développe des notes caramélisées très agréables
Au four 25-30 min Idéal lorsqu’il est rôti avec d’autres légumes racines

Recettes savoureuses à base de chervis

Voici quelques suggestions pour préparer ce légume atypique :

  • Purée de chervis : après une cuisson à l’eau, mixez avec un peu de crème, du beurre et une touche de muscade
  • Potage velouté : combinez-le avec des pommes de terre et du poireau pour un velouté d’hiver des plus réconfortants
  • Chervis glacés au miel : faites les sauter à la poêle avec une noisette de beurre, puis ajoutez une cuillère de miel en fin de cuisson
  • Gratin de chervis : disposez les racines cuites dans un plat, nappez de béchamel, ajoutez du fromage râpé et gratinez
  • Chips de chervis : tranchez en fins disques et faites frémir à 170°C jusqu’à obtenir une belle coloration dorée

Le chervis s’associe à merveille avec d’autres légumes d’hiver, tels que les carottes, les panais, les navets ou les pommes de terre. Ses notes sucrées se marient harmonieusement avec les viandes blanches, le porc et les volailles.

Où se procurer des graines ou plants de chervis ?

Étant donné que le chervis n’est pas un légume courant, le trouver dans les jardineries classiques peut s’avérer compliqué. Voici quelques recommandations pour dénicher des semences ou des plants :

  • Associations de préservation des variétés anciennes telles que Kokopelli, Graines del Païs ou Semailles
  • Catalogues spécialisés en légumes anciens ou oubliés
  • Échanges entre jardiniers lors de foires aux plantes ou via des plateformes d’échange de graines
  • Boutiques en ligne dédiées aux variétés patrimoniales

Si vous avez des amis jardiniers qui cultivent déjà du chervis, n’hésitez pas à leur demander quelques graines ou un morceau de racine à replanter au printemps.

Les raisons de réintégrer le chervis dans nos cultures et notre alimentation

Dans un contexte où la diversité alimentaire et la redécouverte de notre patrimoine végétal sont en plein essor, le chervis offre plusieurs avantages :

  • Diversité alimentaire : il enrichit notre répertoire gustatif en ajoutant des saveurs uniques
  • Rusticité : cette plante résiste bien aux conditions climatiques difficiles et nécessite peu d’entretien
  • Valeur nutritionnelle : grâce à sa richesse en fibres et en inuline, il favorise la santé intestinale
  • Patrimoine historique et culturel : cultiver ces légumes anciens contribue à la préservation d’un savoir-vivre
  • Résilience face au changement climatique : sa capacité à survivre au froid et à rester en terre tout l’hiver en fait une culture adaptée aux transitions environnementales

Le chervis fait partie des légumes qui méritent de trouver leur place dans nos potagers. Étant donné la simplicité de sa culture, semblable à celle des carottes, il est accessible aux jardiniers à tous les niveaux d’expérience. De plus, la récompense est d’une saveur singulière, douce et amandée, qui ravira tant vos papilles que celles de vos invités.

Alors, êtes-vous prêt à faire une petite place dans votre jardin pour ce légume racine au goût d’amande douce ? La période des semis approche, c’est le moment parfait pour se lancer dans l’aventure du chervis !

Nostrodomus, site d'amateurs passionnés, a besoin de VOUS ! Ajoutez nous à vos favoris sur Google News (icône ☆) pour nous faire connaître, merci d'avance !


--> Google News

Partagez cet article
Laissez un commentaire