Pourquoi il pourrait être judicieux de ne plus couper les gourmands de vos tomates.

Michel Duchène
Michel Duchène
12 Min de lecture
Notez cet article !

En tant que jardinier amateur avec plus de 15 ans d’expérience, j’ai longtemps pensé que la taille des gourmands de mes plants de tomates était une pratique incontournable. Cette méthode réglementaire, transmise de jardinier en jardinier, était considérée comme une règle d’or dans le monde du jardinage.

Cependant, après une récolte décevante, j’ai commencé à remettre en question cette tradition. Peut-être que cette habitude, pourtant si ancrée, n’était pas aussi bénéfique que je le croyais.

Comprendre le phénomène des gourmands

Avant de détailler ma réflexion, il est essentiel de définir ce qu’est un gourmand sur un plant de tomate. Ces petits pousses se forment à l’aisselle d’une feuille, entre la tige principale et une branche. Leur appellation vient du fait que l’on pense qu’ils « absorbent » l’énergie que la plante pourrait utiliser pour produire des tomates.

En laissant ces tiges secondaires se développer, un plant non taillé peut devenir très touffu, avec de nombreuses branches, fleurs et fruits.

Les raisons derrière la taille des gourmands

La sagesse jardinage veut que l’on retire systématiquement ces gourmands, surtout pour les variétés indéterminées, c’est-à-dire celles qui continuent à croître jusqu’aux gelées. Les justifications de cette méthode sont variées :

  • Concentration des ressources : En éliminant les gourmands, on pense que la plante peut consacrer ses efforts à développer les fruits déjà présents plutôt qu’à créer de nouvelles tiges.
  • Augmentation de la taille des fruits : Moins de fruits devrait se traduire par des tomates plus grosses.
  • Meilleure circulation de l’air : Un plant moins fourni permet une meilleure ventilation, ce qui peut réduire les maladies fongiques.
  • Exposition optimale au soleil : Les fruits sont mieux éclairés, favorisant leur maturation.
  • Simplicité d’entretien : Les plants sont plus faciles à gérer et à attacher au tuteur.

Les limites de la taille systématique

Avec le temps, j’ai réalisé que l’approche « couper tout » n’est pas toujours la plus bénéfique. Voici pourquoi une taille systématique peut parfois être problématique.

Transmission des maladies

Chaque incision ou pincement sur la plante génère des petites blessures, qui peuvent devenir des points d’entrée pour des agents pathogènes comme le mildiou ou les virus. Si les outils ne sont pas désinfectés lors du passage d’un plant à l’autre, le risque de propagation des maladies dans le jardin augmente.

J’ai fait cette erreur une année en taillant tous mes plants sous la pluie. Le résultat fut une contamination massive par le mildiou qui a ravagé ma récolte en moins de deux semaines.

Les coups de soleil

Un autre aspect est l’exposition brutale des fruits au soleil après une taille excessive. Lorsque trop de gourmands sont supprimés en période de chaleur, des parties ombragées de la plante se retrouvent soudainement au soleil, entraînant des brûlures sur les tomates, visibles par des zones décolorées et dures.

Symptôme Cause Prévention
Taches blanches/jaunes sur les fruits Exposition excessive au soleil après taille Taille modérée de préférence le matin ou le soir
Craquelures sur les fruits Variation rapide d’humidité après exposition Hydratation régulière après la taille

Protection insuffisante des fruits

Les feuilles d’un plant n’ont pas qu’une fonction esthétique ; elles protègent les fruits des intempéries et des variations climatiques. Tailler trop de gourmands réduit cet écran protecteur, ce qui rend la plante plus vulnérable aux conditions climatiques extrêmes.

Lors de l’été caniculaire de 2022, mes plants peu taillés ont montré une meilleure résistance à la chaleur que ceux que j’avais soigneusement « nettoyés ».

Impact sur les racines

Un facteur souvent négligé est que la taille des parties aériennes influence le développement des racines. Si une proportion importante de feuilles est supprimée, la plante réduit aussi son système racinaire. En conséquence, une plante avec un système racinaire moins développé aura du mal à extraire l’eau et les nutriments, augmentant son stress hydrique.

Stratégies de taille plus réfléchies

Au lieu d’une élimination exhaustive, voici une approche plus équilibrée que j’ai perfectionnée :

Adapter selon la variété

  1. Variétés à croissance limitée : Les variétés telles que Roma ou San Marzano n’ont pas besoin de suppression des gourmands, car cela pourrait nuire à la production.
  2. Variétés à croissance indéterminée : Pour des types comme Cœur de Bœuf ou Noire de Crimée, une taille modérée peut être bénéfique sans être nécessaire d’éliminer tous les gourmands.

Méthode et timing de la taille

Si vous optez pour la taille, voici quelques recommandations :

  • Agir tôt : Tailler les gourmands quand ils sont petits (moins de 5 cm) limite les blessures.
  • Choisir le bon moment : Privilégiez une taille par temps sec, de préférence le matin, pour que les coupures sèchent rapidement.
  • Utilisation de la technique appropriée : Au lieu de couper, pincez les jeunes gourmands. Pour ceux plus gros, utilisez un outil propre et désinfecté.
  • Adopter une approche graduelle : Évitez de retirer plus de 20 à 30 % du feuillage à la fois.

Méthode du « gourmand stratégique »

J’ai créé une méthode que j’appelle le « gourmand stratégique » :

  1. Conserver 2-3 gourmands en bas du plant pour établir une structure favorable tout en garantissant une bonne aération.
  2. Retirer les gourmands intermédiaires pour réduire le risque de maladies.
  3. Conserver certains gourmands hauts pour protéger les fruits des coups de soleil.
  4. Vers la mi-août, pincer les nouveaux gourmands pour encourager la maturation des fruits existants.

Quand ne pas toucher aux gourmands

Il y a des situations où il est préférable de ne pas intervenir :

  • Climat particulièrement chaud et sec : Un feuillage plus dense protège les fruits de l’évaporation.
  • Plants déjà affaiblis : Une plante déjà en détresse n’a pas besoin d’un stress supplémentaire lié à la taille.
  • Variétés cerises : Ces types très prolifiques comme Sungold s’accommodent d’une croissance plus libre.
  • Culture en sol riche : Les plants dans un sol fertile peuvent soutenir une croissance additionnelle plus facilement.

Analyse de mes expériences pratiques

Lors de ma dernière récolte, j’ai testé différentes méthodes sur 12 plants de Cœur de Bœuf similaires :

  • 4 plants taillés de manière traditionnelle (tous les gourmands enlevés)
  • 4 plants utilisant ma méthode stratégique
  • 4 plants laissés non taillés.

Les résultats furent révélateurs :

  • Les plants laissés naturels ont produit le plus de fruits, mais de taille légèrement inférieure et avec une maturation plus échelonnée.
  • Les plants taillés suivant les règles traditionnelles ont donné de belles tomates, mais ont souffert lors d’une canicule en juillet.
  • Les plants en « gourmands stratégiques » ont équilibré production et qualité, tout en offrant une meilleure résilience face aux variations climatiques.

Concernant le goût, aucune différence majeure n’a été observée, remettant en question l’idée selon laquelle la taille améliore nécessairement la saveur.

Options alternatives à la taille

Pour ceux qui hésitent à tailler, voici quelques alternatives :

Utilisation de tuteurs

Plutôt que de couper les gourmands, pourquoi ne pas les soutenir ? Des tuteurs en éventail ou des cages pour tomates surdimensionnées permettent à la plante de s’étendre davantage. Cette méthode s’applique particulièrement aux variétés cerises.

Conduite semi-libérée

Encouragez 2-3 premiers gourmands à se développer, ce qui crée un plant avec plusieurs tiges principales. Ce setup permet d’obtenir l’équivalent de plusieurs plants tout en préservant une structure aérée.

Rotation des fruits

Si l’inquiétude majeure concerne les coups de soleil, une autre méthode consiste à faire tourner les grappes de fruits au lieu de retirer les feuilles protectrices.

Conseils pour optimiser la culture des tomates

Au-delà des gourmands, voici des pratiques qui m’ont aidé à améliorer mes récoltes :

  • Prévention avant tout : Un bon paillage limite l’humidité qui peut splasher sur les feuilles.
  • Arrosage précis : Arrosez directement au pied, par un temps sec et de préférence le matin.
  • Effeuillage ciblé : Retirez uniquement les feuilles jaunies qui pourraient véhiculer des maladies.
  • Rotation des cultures : Ne plantez pas des tomates au même endroit d’une année sur l’autre pour éviter l’accumulation de maladies.
  • Observation fréquente : Examinez régulièrement vos plants pour repérer d’éventuels soucis rapidement.

Retour d’expérience sur mes pratiques

Je ne suis pas le seul à douter de l’habitude de tailler systématiquement les gourmands. Pierre, maraîcher bio, déclare : « Sur mes 2000 plants, je ne taille pas. Je choisis des variétés adaptées, et mes rendements sont excellents, avec moins de souci. »

Marie, jardinière aguerrie, ajoute : « Dans notre climat humide, je dois tailler un peu pour éviter le mildiou, mais j’ai appris à le faire prudemment, en gardant quelques gourmands en guise de remplacement. »

Ces témoignages montrent qu’il n’existe pas de solution unique, mais des principes à adapter selon son contexte.

Conclusion : adopter une approche personnalisée

Après toutes ces années d’observation et d’expérimentations, j’ai compris qu’il n’y avait pas de méthode parfaite pour gérer les gourmands de tomates. La nature est trop complexe pour appliquer des règles rigides.

Je recommande aux jardiniers de tester différentes méthodes, de prêter une attention particulière à leurs plants et d’adapter leur approche en fonction des spécificités de leur environnement.

La leçon que j’ai retenue ? Écoutez vos plants au lieu des dogmes. Vos tomates vous en sauront gré avec des récoltes prolifiques et savoureuses.

Nostrodomus, site d'amateurs passionnés, a besoin de VOUS ! Ajoutez nous à vos favoris sur Google News (icône ☆) pour nous faire connaître, merci d'avance !


--> Google News

Partagez cet article
Laissez un commentaire