Avec le retour du printemps, les tondeuses commencent à ronronner dans les jardins, marquant le début d’une nouvelle saison. Cependant, ne serait-ce pas mieux de laisser l’herbe en paix pour favoriser notre environnement ?
Le mouvement « No Mow May » connaît une popularité croissante, mais s’arrêter après ce mois pourrait avoir des conséquences néfastes pour l’écologie. Les pollinisateurs tels que les abeilles, les papillons et d’autres insectes ont besoin de bien plus qu’une simple trêve d’un mois.
Prolonger cette pause estivale jusqu’à septembre pourrait avoir un impact significatif sur la biodiversité de nos jardins. Voici une exploration approfondie de cette problématique, et des solutions à envisager pour transformer vos espaces verts en refuges pour la faune et la flore.
Les limites du « No Mow May »
Originaire du Royaume-Uni, le mouvement « No Mow May » exhorte les jardiniers à ne pas tondre leur pelouse pendant le mois de mai. L’objectif est simple : laisser les fleurs sauvages pousser pour fournir du nectar et du pollen aux pollinisateurs qui sortent de l’hiver affamés. Bien que cette idée soit séduisante, elle peut également se révéler être un piège écologique insidieux.
En effet, imaginez votre jardin florissant pendant un mois. Les pissenlits, pâquerettes et autres plantes attirent une myriade d’insectes. Des papillons viennent y déposer leurs œufs, des araignées tissent des toiles, et les hérissons trouvent un abri. Mais dès que le mois de juin débute, la tondeuse est de sortie, anéantissant en quelques minutes cet écosystème qui commence à se créer. Les fleurs ne produisent pas encore de graines, et les larves et chenilles se retrouvent exterminées dans ce processus. Cela met en péril les petits mammifères et même les amphibiens qui dépendent de cet habitat.
Nous assistons ainsi chaque année à ce scénario dans des milliers de jardins. Les propriétaires, convaincus d’avoir contribué à la protection de la nature, retournent à leurs habitudes de tonte intensive, pensant que leur geste a suffi.
Mai, un mois trop court pour les pollinisateurs
Choisir mai pour cette initiative n’est pas sans raison, puisque c’est le moment où la nature renoue avec l’activité et où les premiers pollinisateurs commencent à chercher de la nourriture. Cependant, ce mois présente plusieurs désavantages :
- En mai, l’herbe pousse de manière vigoureuse, ce qui complique la tonte en juin.
- Cette complexité incite souvent à recourir à des outils plus puissants comme les débroussailleuses, mettant en péril la faune.
- De nombreuses fleurs sauvages ne commencent à apparaître que vers la fin du mois de mai.
- Les insectes sont encore en phase précoce de leur cycle de reproduction.
Il devient donc évident que stopper brutalement cette expérience à la fin de mai revient à créer un piège pour la biodiversité. Cela attire des insectes puis, dixit, les anéantit, ce qui, dans certains cas, est peut-être plus dommageable qu’une tonte régulière.
Pourquoi le « No Mow Summer » est la clé
Pour avoir un impact durable sur la biodiversité, il est impératif d’étendre cette période sans tonte jusqu’à fin août, voire jusqu’au début de l’automne. Les raisons sont nombreuses :
Les insectes ont besoin de temps
Les mois de juin et juillet sont critiques pour plusieurs espèces de papillons qui déposent leurs œufs sur les herbes. Les skippers, gatekeepers, ringlets, meadow browns, small heaths et marbled whites dépendent des hautes herbes pour achever leur cycle de vie.
Les chenilles se nourrissent de ces graminées et peuvent y rester jusqu’à l’année suivante. Tondre pendant cette période détruira alors une génération entière de ces insectes exquis.
L’apogée de la pollinisation
Bien que mai signale le début de la saison pour les pollinisateurs, leur activité atteint un sommet entre juin et août. Les grandes campagnes de comptage des papillons, qui se déroulent entre juillet et août, le confirment, car la biodiversité est alors à son maximum.
Les abeilles, syrphes, bourdons et autres insectes butineurs requièrent des sources alimentaires tout au long de l’été, pas seulement pendant le mois de mai. Une pelouse tonte en juin n’offre aucune ressource pour ces précieux pollinisateurs.
Le cycle de reproduction des fleurs sauvages
Pour que les fleurs sauvages puissent se reproduire et assurer leur retour l’année suivante, elles doivent avoir suffisamment de temps pour produire des graines. Ce processus s’étend généralement sur plusieurs semaines après la floraison. Une tonte prématurée vient alors rompre cette dynamique naturelle et réduit considérablement la diversité florale de votre jardin au fil du temps.
La solution : une coupe unique par an
Pour maximiser les avantages pour la biodiversité, l’idéal serait de ne tondre qu’une seule fois par an, idéalement en septembre ou octobre. Cette approche présente de multiples bénéfices :
- Elle s’effectue après la fin des cycles de vie de la majorité des insectes.
- Les plantes ont eu le temps de produire et d’éparpiller leurs graines.
- Cette coupe tardive prévient une croissance trop dense de la végétation durant l’hiver.
- Elle favorise la richesse floristique pour l’année suivante.
- Elle permet également d’économiser l’effort, l’énergie, et de réduire les émissions de CO2 liées à la tonte.
Ce type de gestion, souvent désigné sous le nom de « fauchage tardif », est déjà appliqué par de nombreuses municipalités pour entretenir leurs espaces verts. Il s’inspire des techniques de gestion des prairies qui existaient bien avant l’invention des tondeuses à gazon.
Des solutions variées pour chaque jardin
Il est évident que laisser pousser intégralement sa pelouse jusqu’en septembre n’est pas toujours une option réalisable ou souhaitable. Voici quelques alternatives à adapter selon les contextes :
Gérer la biodiversité de manière différenciée
Ce n’est pas nécessaire de transformer l’intégralité de votre jardin en prairie sauvage. Vous pouvez opter pour une approche plus nuancée :
- Désignez des zones comme « refuges de biodiversité » et laissez-les croître tout l’été.
- Créez des bandes non tondues le long des clôtures ou des haies.
- Tondez des sentiers ou des bordures pour conserver un aspect ordonné tout en préservant les centres de vos espaces verts.
- Alternez les zones tondues d’une année à l’autre pour favoriser la régénération.
Un petit espace même de 1 à 3 m² peut devenir un refuge précieux pour la faune et la flore sauvages. L’important est de faire preuve de constance : une fois la décision prise de laisser une zone tranquille, respectez cet engagement jusqu’à septembre au minimum.
La « pelouse à nectar » : une alternative pour jardins ordonnés
Si vous tenez à avoir une pelouse soignée, envisagez la création d’une « pelouse à nectar ». Cette approche consiste à maintenir une pelouse tondue, tout en la rendant riche en fleurs basses tels que le trèfle, le lotier, les pâquerettes ou le plantain.
Ces plantes sont adaptées à une taille régulière et fleurissent à proximité du sol, fournissant ainsi du nectar et du pollen. Pour favoriser leur développement :
- Réduisez la fréquence des tontes (tous les 2-3 semaines).
- Réglez votre tondeuse sur une hauteur de coupe plus élevée, autour de 7-8 cm.
- Évitez les herbicides qui éliminent ces « mauvaises herbes » utiles.
- Semez un mélange de graines de fleurs adaptées à votre pelouse.
Ainsi, vous pouvez maintenir un aspect soigné tout en fournissant des ressources aux pollinisateurs.
Les bénéfices insoupçonnés d’une pelouse diversifiée
L’étonnante biodiversité
Une pelouse laissée en croissance peut accueillir une diversité impressionnante d’espèces. En plus des pollinisateurs comme les abeilles et les papillons, vous pourriez apercevoir :
- Des sauterelles et des grillons qui émerveillent les soirées d’été avec leurs chants.
- Des araignées tissant leurs toiles entre les hautes herbes.
- Des hérissons profitant d’un abri et de nourriture.
- Des amphibiens tels que crapauds et grenouilles.
- Des oiseaux insectivores attirés par cette abondance de proies.
Même les pelouses bien tondues ont leur utilité. Certaines espèces d’oiseaux, comme les étourneaux, merles, piverts et bergeronnettes, raffolent des zones d’herbe rase pour chasser les insectes. L’idéal reste donc de conserver une mosaïque d’habitats au sein de votre jardin.
Des économies de temps et d’énergie
Réduire la fréquence de la tonte est aussi synonyme d’avantages pratiques non négligeables :
- Des économies sur les ressources énergétiques (carburant ou électricité).
- Une diminution de l’usure de votre équipement.
- Un gain de temps considérable (jusqu’à plusieurs dizaines d’heures par an).
- Moins de bruit dans votre voisinage.
- Une empreinte carbone réduite.
Pour les collectivités, adopter une gestion différenciée des espaces verts offre la possibilité non seulement de soutenir la biodiversité, mais également de réaliser des économies budgétaires significatives.
Mise en place de votre « No Mow Summer »
Si vous êtes convaincus par les avantages d’une tonte tardive, voici comment vous pouvez commencer :
- Définissez clairement les zones que vous laisserez se développer. Utilisez des bordures ou des pierres pour créer des démarcations visuelles.
- Informez votre entourage. Un panneau explicatif peut transformer une pelouse « négligée » en « sanctuaire de biodiversité » aux yeux de vos voisins.
- Observez et enregistrez l’évolution de votre jardin. Prenez régulièrement des photos et notez les espèces que vous apercevez.
- Planifiez votre tonte pour septembre-octobre, préférablement avec une faux ou une débroussailleuse à lame, qui est moins dangereuse pour la faune.
- Conservez les résidus de coupe sur place quelques jours pour permettre aux graines de tomber, puis ramassez-les pour éviter un enrichissement excessif du sol.
Gardez à l’esprit que la première année peut sembler moins impressionnante que les suivantes, mais la diversité floristique tend à se bonifier avec le temps, tandis que le sol s’appauvrit et que les graines se dispersent.
Un geste simple avec des répercussions significatives
Face au déclin alarmant des insectes pollinisateurs observé ces dernières années, chaque effort compte. Transformer votre jardin en refuge pour la biodiversité représente l’une des actions les plus simples et efficaces accessibles à tous.
En prolongeant ce mouvement jusqu’en septembre, vous ne vous bornez pas à sauver quelques abeilles, mais contribuez à la sauvegarde d’écosystèmes entiers. Les insectes que vous préservez aujourd’hui nourriront les oiseaux de demain et polliniseront les fleurs qui émerveilleront vos enfants.
Alors, alors que le printemps 2025 se profile, pourquoi ne pas opter pour plus de patience ? Laissez votre tondeuse au garage un peu plus longtemps et assistez à la magie qui se déploie dans votre jardin. La nature vous en sera reconnaissante.