Cet ancien couvre-sol était autrefois une plante médicinale, même sous les pins.

Michel Duchène
Michel Duchène
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Le lierre terrestre, bien que peu remarqué, est une plante qui s’infiltre discrètement dans nos sous-bois, mais son potentiel est bien plus grand qu’il n’y paraît.

Cette plante rampante, forte de son histoire médicinale, a su survivre et s’épanouir même sous la canopée des pins, là où peu de végétaux peuvent se développer.

Son feuillage persistant et sa floraison précoce en font une précieuse alliée pour les jardiniers cherchant à garnir les zones difficiles de leur jardin.

Partons ensemble à la redécouverte des atouts de cette plante pluriséculaire, toujours aussi fascinante.

Portrait d’une plante méconnue : le lierre terrestre

Connue sous différents noms tels que gléchome lierre, courroie de Saint-Jean ou herbe de Saint-Jean, le lierre terrestre (Glechoma hederacea) appartient à la famille des Lamiacées. Bien qu’elle partage son appellation avec le lierre grimpant, elle n’en est pas un parent; cette confusion s’explique par sa façon de ramper au ras du sol, créant ainsi un épais tapis de verdure.

Caractéristiques botaniques

On reconnaît aisément le lierre terrestre grâce à ses:

  • Tiges rampantes de section carrée qui prennent racine aux nœuds
  • Feuilles opposées de forme réniforme, crénelées et légèrement velues
  • Fleurs bleu-violet en forme de tube, regroupées en verticilles au niveau des feuilles
  • Hauteur modeste, ne dépassant généralement pas 10 à 20 cm

Sa période de floraison s’étend de mars à juin, offrant une source précoce de nectar aux pollinisateurs. L’odeur aromatique que dégagent ses feuilles lorsqu’on les froisse, rappelant celle de la menthe, est typique de sa famille botanique.

Résilience aux conditions difficiles

Ce qui fait la singularité du lierre terrestre parmi les plantes couvre-sol, c’est son aptitude unique à croître là où d’autres flétrissent. Cette remarquable adaptabilité en fait un excellent choix pour les zones difficiles du jardin.

Tolérance aux sols acides sous les pins

Les pins créent des environnements peu propices à la majorité des plantes. Leur feuillage, en se décomposant, acidifie le sol, tandis que leurs racines exhalent des substances qui nuisent à la croissance d’autres végétaux. De plus, leur ombre dense rend l’accès à l’eau de pluie compliqué.

D’un autre côté, le lierre terrestre surmonte ces défis avec brio, tolérant :

  • Les sols acides, avec un pH variant de 5,5 à 7,5
  • Des ombres allant de modérées à importantes
  • La concurrence créée par les racines des arbres
  • Les périodes sèches après un bon enracinement

Cette capacité à croître sous les pins en fait une solution idéale pour revégétaliser ces zones souvent négligées de nos jardins, créant un matelas dense qui prévient l’érosion et combat les mauvaises herbes.

Un succès sur divers terrains

Au-delà des forêts de pins, le lierre terrestre sait s’adapter à des environnements variés. Il peut être implanté :

  • Dans des zones boisées, où il prospère particulièrement
  • Au pied des arbres et des buissons
  • Dans les coins ombragés du jardin
  • Pour stabiliser des talus
  • Dans des rocailles à mi-ombre

Grâce à sa croissance vigoureuse, il colonise rapidement l’espace, formant un tapis épais qui lutte contre la pousse des plantes indésirables. Toutefois, cette énergie peut le rendre envahissant dans les petits jardins, nécessitant une gestion proactive.

Une plante aux vertus médicinales anciennes

Avant de devenir une plante décorative, le lierre terrestre jouait un rôle crucial dans la médecine traditionnelle. Ses utilisations remontent à l’Antiquité, époque à laquelle il était déjà reconnu pour ses propriétés curatives.

Usages médicinaux à travers les âges

Durant le Moyen Âge, le lierre terrestre était incontournable dans la médecine monastique. Hildegarde de Bingen, une célèbre abbesse et herboriste du XIIe siècle, préconisait cette plante pour traiter les maladies respiratoires. Dans son œuvre Physica, elle affirmait que cette plante « purifie les poumons et facilite la respiration ».

Ses usages médicinaux principaux comprenaient :

Affection Utilisation traditionnelle
Troubles respiratoires Infusion pour soulager la toux, l’asthme et la bronchite
Problèmes digestifs Tisane pour améliorer l’appétit et faciliter la digestion
Affections rénales Décoction pour encourager l’élimination urinaire
Plaies et contusions Cataplasme de feuilles fraîches pour favoriser la cicatrisation

Des herboristes comme Nicholas Culpeper, au XVIIe siècle, vanteraient ses bienfaits contre les « maladies de la poitrine ». Il était également utilisé en bains de bouche pour soigner les aphtes et les inflammations gingivales.

Propriétés médicinales modernes

Des études contemporaines révèlent la présence de nombreux composés bénéfiques dans le lierre terrestre, ce qui éclaire ses propriétés médicinales traditionnelles :

  • Huiles essentielles (pinène, limonène) : propriétés antiseptiques et expectorantes
  • Tanins : action astringente et anti-inflammatoire
  • Flavonoïdes : effets antioxydants
  • Saponines : activité expectorante
  • Acides phénoliques : propriétés antimicrobiennes

Ces composés expliquent son efficacité historique contre les problèmes respiratoires, agissant comme un expectorant et un anti-inflammatoire. Des recherches préliminaires suggèrent même des propriétés antimicrobiennes contre certains agents pathogènes.

Intégrer le lierre terrestre au jardin

Si vous souhaitez ajouter cette plante historique à votre jardin, voici quelques conseils pour réussir sa culture et l’intégrer efficacement.

Conseils de plantation et d’entretien

Le lierre terrestre doit être planté idéalement :

  • Au printemps ou en automne, moments propices à son enracinement
  • Dans un sol frais, même pauvre, de préférence légèrement acide à neutre
  • À mi-ombre ou à l’ombre, tolérant le soleil si le sol reste humide
  • Avec un espacement entre les plants de 30 à 40 cm pour favoriser leur développement

Une fois établie, son entretien est limité à :

  • Un arrosage régulier durant la première année pour encourager son enracinement
  • Une taille des tiges s’aventurant trop loin pour contrôler son expansion
  • Une coupe légère au printemps pour stimuler la croissance si le tapis devient trop dense

Sa résistance aux maladies et aux nuisibles en fait une plante peu exigeante, nécessitant pratiquement aucun soin particulier.

Associations au jardin

Le lierre terrestre s’associe à d’autres plantes d’ombre ou de mi-ombre de manière harmonieuse. Quelques combinaisons réussies incluent :

  • Des fougères comme la fougère mâle (Dryopteris filix-mas) pour créer une ambiance de sous-bois
  • Des hostas aux grandes feuilles contrastant avec son feuillage délicat
  • Des hellébores pour garantir une floraison hivernale et printanière
  • Des cyclamens de Naples apportant une note de couleur à l’automne
  • Avec de petites bulbeuses comme les scilles ou les muscaris, qui émergeront à travers son tapis printanier

Dans les zones ombragées difficiles, il crée un excellent support visuel pour dénoter des plantes plus imposantes mais moins couvrantes.

Précautions à prendre

Malgré ses nombreux atouts, il existe des aspects à prendre en compte avant d’intégrer le lierre terrestre dans son jardin.

Précautions face à un potentiel invasif

Dans certaines conditions, notamment dans des sols riches et humides, le lierre terrestre peut devenir envahissant. Son aptitude à s’enraciner à chaque nœud de tige lui permet de se propager rapidement et de former de denses colonies. Pour prévenir ces phénomènes :

  • Installez des barrières physiques (comme des bordures profondément enfoncées) pour freiner son extension
  • Surveillez son développement et arracher régulièrement les tiges indésirables
  • Évitez de le planter près des espaces cultivés, comme les potagers
  • Privilégiez des zones délimitées (par exemple, entre une terrasse et une haie)

Dans certaines régions d’Amérique du Nord, il est même classé comme espèce invasive. Il est conseillé de se renseigner sur son statut local avant d’envisager son introduction.

Considérations pour un usage médicinal

Bien que traditionnellement pensé comme une plante médicinale, le lierre terrestre n’est pas sans contre-indications :

  • Évitez son usage chez les femmes enceintes ou allaitantes
  • Ne l’utilisez pas en cas d’épilepsie (certains de ses composants peuvent agir comme des neurostimulants)
  • Consultez un professionnel de santé avant toute utilisation thérapeutique, surtout si vous prenez d’autres médicaments
  • Respectez les dosages traditionnels (en général, 2 à 3 g de plante sèche par tasse)

Comme pour toute plante médicinale, il est essentiel d’agir avec prudence, et le lierre terrestre ne fait pas exception à cette règle.

Un patrimoine végétal à redécouvrir

Le lierre terrestre incarne ces plantes qui ont accompagné l’humanité durant des siècles, avant d’être progressivement mises de côté avec l’essor de la médecine moderne et des aménagements paysagers uniformisés.

Sa capacité à croître sous les pins en fait pourtant une solution moderne à un défi classique du jardinage. Peu d’espèces peuvent prétendre allier intérêt historique, propriétés médicinales reconnues, et utilité pratique en jardin.

Réintroduire le lierre terrestre dans nos espaces extérieurs, c’est non seulement résoudre des défis d’aménagement, mais aussi renouer avec un riche patrimoine végétal qui a survécu à travers les âges. Une belle façon de marier l’utile, l’esthétique et l’historique dans nos jardins contemporains.

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