Les collectivités investissent dans les constructions « vertes »

Il n’y a pas que les gros constructeurs qui ont flairé l’intérêt des constructions écolos. Les collectivités territoriales y trouvent également leur compte en affichant une image de développement durable, et attirent ainsi de nouveaux publics dans des zones parfois délaissées. Mais faute de prestataires qualifiés, les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des espérances.
HLM écolo, éco-résidence, lotissement « vert »… Les collectivités territoriales prennent à bras le corps les problèmes environnementaux. La région Bretagne est probablement l’une des plus dynamiques en la matière et des dizaines d’initiatives sont chaque année mises en place par les Pouvoirs Publics.
Pourtant, malgré de louables intentions, ces projets tout neufs ne vont pas sans tâtonnements. « Cet hiver, ça va à peu près, explique Nathalie Fréard, habitante d’une résidence écologique à Rennes, mais l’hiver dernier, il faisait 14 degrés dans la chambre de ma fille ». Pas de quoi congeler un steak, mais quand même… D’autant plus que la résidence Salvatierra (Sauver la terre en espagnol) fait partie depuis 2001, du programme européen CEPHEUS pour la promotion de l’habitat passif auquel la mairie de Rennes et la région Bretagne participent activement.
Du côté des concepteurs, on affiche des chiffres. Certes, les consommations d’énergie sont largement plus élevées que les valeurs cibles prévues dans le projet CEPHEUS – 60 kWh/m².an au lieu de 23 – mais les résultats restent très positifs par rapport à la valeur plafond fixée par la Réglementation thermique 2005 : 110 kWh/m².an.
Malgré les 100 m² de capteurs solaires, l’orientation bioclimatique, l’isolation de 50 cm en bauge et un double vitrage à faible émissivité et haute transmission en argon, l’utilisation d’un convecteur d’appoint est néanmoins nécessaire pour conserver une température correcte. A l’inverse, durant la canicule de 2003, on a relevé 31°C dans un duplex à ossature bois.
Méconnaissance des artisans
Un peu plus loin, à Langouet. A quelques kilomètres au Nord ouest de la capitale bretonne, un petit village en pleine campagne où nous rencontrons Marie, une jeune femme d’une trentaine d’années qui habite un lotissement écolo lancé par la municipalité. « L’idée est géniale », s’enthousiasme-t-elle avant de déplorer aussi sec la « méconnaissance des artisans ». Et pour cause : depuis son installation, la petite famille a eu des soucis avec son système de récupération d’eau de pluie qui fuyait, son système de ventilation naturelle hors d’usage, et même son immense baie vitrée, sensée retenir la chaleur, qui s’est fendue sous l’effet du froid. Selon elle, « une autre maison du lotissement a eu la même chose, mais parce qu’il faisait trop chaud ».
En interrogeant quelques uns des habitants des 11 bâtisses écolos, il semblerait que tous ne soient pas logés à la même enseigne. « C’est génial, hyper agréable, reconnaît Yann Crocq, qui habite le lotissement depuis le début, on a fait plein d’économies ». A raison de 2 heures de chauffage par jour grâce aux briques réfractaires, la facture d’électricité de la famille a considérablement chuté. On pourrait croire que le prix de ce lotissement est excessif, mais pas du tout. « 150 000 € avec le terrain », souligne Yann Crocq. « 130 000 sans le terrain », précise Céline, une autre habitante.
Des collectivités pour faire évoluer les mentalités
Du côté de la mairie, Daniel Cueff, le maire, se félicite de ces pavillons : « après l’école écolo et la cantine bio, voici le lotissement écolo. Depuis 2001, aucune décision qui n’aille dans le sens du développement durable n’a été prise par le Conseil municipal », ajoute-t-il.
Panneaux solaires photovoltaïques, récupération d’eau de pluie… La panoplie classique de la maison écolo a été déployée. Pourtant, ça n’a pas été forcément simple de trouver les prestataires. « Ca a été difficile de trouver un opérateur immobilier pour construire les maisons », concède-t-il. Six ans entre le projet et l’inauguration en 2007 se sont écoulés. Il faut dire que le cahier des charges était très exigeant : « même architecte pour toutes les maisons, orientation bioclimatique, briques monomurs plus bois, chauffage bois, système de ventilation naturelle, etc. ».
Alors qu’un deuxième lotissement écolo est prévu à l’horizon 2009, Daniel Cueff croit dur comme fer au pouvoir des collectivités à infléchir les réticences du marché. Les communes sont responsables à 30 % des commandes publiques… « si elles s’y mettent vraiment, elles peuvent modifier les conditions du marché ».
En attendant, il faudra que les artisans prennent le pli de la construction écologique. « Le jour où les entrepreneurs n’auront plus le droit de faire du parpaing, ils s’adapteront », espère le maire, membre de l’association Bretagne rurale, rurbaine et développement rurale.
Même si ces initiatives démontrent une réelle volonté des Pouvoirs Publics, les résultats ne sont pas toujours à la hauteur. La faute probablement à des ambitions peut-être un peu trop hautes et à des entreprises encore insuffisamment rodées à la construction écologique.
Le secteur public s’y met, les citoyens aussi. Ne reste plus qu’au monde de l’entreprise et plus particulièrement à celui de la construction à se réformer en profondeur…
Les HLM s’y mettent aussi !
On invoque souvent le coût élevé de mise en œuvre pour éviter de bâtir écolo. Certes, c’est souvent plus cher pour les constructeurs. Mais quand on est locataire et qu’en plus on peut prétendre aux logements sociaux, l’affaire peut vite devenir rentable.
Habitat 35 vient ainsi d’inaugurer 10 habitations à loyer modéré à Bazouges-sous-Hédé, en Ille-et-Vilaine. Construction en briques, isolation renforcée, système de récupération d’eau pour les toilettes, ampoules basse consommation, menuiseries en bois avec vitrage peu émissif… Des caractéristiques rares dans les logements sociaux. « C’est le maire de Bazouges-sous-Hédé qui a proposé l’idée, explique Jean-Luc Fontaine, directeur d’Habitat 35. Le plus dur a été d’équilibrer les coûts ». Un surcoût qui s’élève en effet à « 92 000 € pour les 8 logements, précise Jean-Luc Fontaine, pris en charge à la fois par nous et les collectivités ».
D’autres villes du département ont déjà bénéficié d’installations écologiques pour leurs logements sociaux, comme à Vitré, Romillé, Essé et Tinténiac où l’on a construit des maisons en bois, en pierre et/ou équipées de panneaux solaires et/ou de chaudières à bois. A Sens-de-Bretagne, une opération de construction de pavillons avec panneaux solaires est en cours, tandis que sur une tour HLM d’un quartier populaire de Rennes, Habitat 35 réfléchit également à la mise en place de panneaux photovoltaïques.
Pour les habitants, ce type de logements est « tout bénéf » puisqu’il n’y a aucun surcoût à la location avec des factures énergétiques deux fois moins élevées que dans des HLM traditionnelles. De là à penser qu’Habitat 35 pourrait ajuster les loyers en fonction des économies d’énergie, il n’y a qu’un pas que Jean-Luc Fontaine se garde bien de faire…