La Bretagne, fief des maisons en paille

En Bretagne, de nombreux particuliers font le choix d’une maison en paille. Un matériau sain, très bon isolant et qui, contrairement aux idées reçues, est très résistant. C’est non loin de Rostrenen, dans les Côtes d’Armor, que la famille Nicolas nous fait visiter son autoconstruction en paille. Une question de conviction, mais qui a aussi ses avantages économiques…
’’Non, ce n’est pas la maison des trois petits cochons !’’, s’amuse Anne-Laure Nicolas. Avec son mari Gilles, ils viennent de construire une maison en paille dans la région du Kreiz Breizh dans les Côtes d’Armor. Et c’est vrai que ce n’est pas un souffle de vent qui va emporter la demeure. ’’La maison repose sur une ossature en bois comblée avec des ballots de paille’’, explique Anne-Laure.
Cela faisait deux ans que le couple souhaitait construire une maison écologique. ’’Mon beau-père nous a donné un terrain de 3000 m2 ainsi qu’une grange en pierre bretonne du XVIIIème siècle’’. Un peu dommage de laisser tomber ce patrimoine à la fois culturel et familial. La grange ne mesurait que 11 mètres sur 5… Un peu juste pour vivre avec un enfant en bas âge. Voilà donc les tourtereaux lancés à la fois dans une opération de réhabilitation et d’autoconstruction.
Une communauté de constructeurs en paille très active
Mais pourquoi la paille ? ’’Au départ, on pensait à la biobrique, mais cela revenait trop cher. Des amis ont construit leur maison en paille. On s’est dit pourquoi pas nous ?’’. Dès lors, c’est la course aux infos : forums de discussion, blogs, conseils d’amis, livres, visites de chantier. Tout y passe. ’’Nous n’avions aucune expérience en autoconstruction’’, raconte Anne-Laure. Pas grave, tant que la motivation est là : ’’écologique’’ pour elle, ’’économique’’ pour lui.
Mais surtout, c’est la communauté des constructeurs en paille qui permet au couple de garder confiance. ’’Il y a une très forte concentration de maisons en paille en Bretagne, et particulièrement dans ce secteur, précise la jeune femme, tout le monde se soutient.’’ Mairies écolos, pouvoirs publics motivés en la matière, le Centre Bretagne est le terreau idéal pour le projet. Même les prestataires sont sensibilisés à la démarche : ’’nous avons quand même dû faire appel à un charpentier. Il avait lui-même une maison en paille. Il connaissait donc toutes les ficelles de ce type de construction’’.
La chaux pour faire « respirer » la structure
Pour le couple, l’avantage de la paille c’est l’isolation et donc… l’économie : ’’avec du parpaing, le poêle à bois aurait dû être deux fois plus puissant.’’ Isolation en paille pour la structure, en laine de chanvre pour le toit et des jointures en chaux par nécessité écologique et… pratique : ’’avec du ciment, la liaison entre la grange et l’extension aurait pu se briser, la chaux est beaucoup plus souple.’’ De la même façon, elle permet aussi de faire « vivre » les cloisons : ’’la chaux respire et absorbe l’eau tandis que l’humidité coule sur le ciment’’.
Pour autant, la maison des Nicolas est-elle totalement « bio » ? ’’Nous avons fait notre maximum en vérifiant notamment le label du bois – du Douglas -, l’utilisation de matériaux écolos, même si nous n’avons pas pu aller au bout de nos rêves pour des raisons financières.’’ Ainsi, le projet d’un sol en terre cuite est abandonné au profit d’un simple carrelage.
Écologique, bioclimatique, autonome, etc.
Bioclimatique, autonome, écologique… Les Nicolas ont joué sur de nombreux registres ’’écolos’’. D’ailleurs, la construction a été élaborée dans une perspective bioclimatique de manière à absorber un maximum de chaleur : ’’nous sommes exposés plein sud et il n’y a aucune fenêtre au Nord’’, expose Anne-Laure. ’’Par la suite, nous allons mettre des vérandas afin qu’une partie de la maison aille vers le passif (Absence de système de chauffage, Ndlr) à plus ou moins long terme’’.
Outre la paille et la problématique de l’isolation, le couple a poursuivi sur sa lancée : chauffe-eau solaire, poêle à bois, bassins phytosanitaires, toilettes sèches… ’’J’ai été sensibilisée très tôt, raconte cette Lilloise d’origine et bretonne d’adoption, mon grand-père était président d’une association de pêche et luttait contre la pollution.’’ Dans le cadre de son travail d’animatrice socioculturelle, elle éduque les enfants à la nature et à l’écologie.
Les toilettes sèches, « un geste pour la terre »
C’est d’ailleurs là qu’elle s’intéresse pour la première fois aux toilettes sèches. ’’Lors d’une formation sur les jardins pédagogiques, j’ai pu utiliser des toilettes sèches’’. Et en Bretagne, ces toilettes sont relativement courants, notamment sur les festivals. ’’30 litres d’eau pour une chasse d’eau, c’est beaucoup’’, déplore la jeune femme. Beaucoup pour la planète et beaucoup pour le… porte-monnaie. ’’C’est surtout un geste militant’’, nuance Anne-Laure. Selon elle, c’est aussi une solution de confort : ’’c’est plus agréable et ça cache les odeurs grâce à la senteur d’une sciure de bois non traitée et parfaitement écolo.’’ Le seul inconvénient : ’’sortir le pot tous les deux jours.’’
Qui dit toilettes sèches, implique possibilité de récupérer les eaux usées (douche, vaisselle…). Pour ce faire, le couple a décidé de mettre en place des bassins phytosanitaires qui serviront ensuite à construire une véritable piscine naturelle.
Pour le chauffage, les amoureux utilisent un poêle à bois : écologique et économique. Grâce à l’utilisation de briques réfractaires, la chaleur reste dans la pièce après que le feu soit éteint.
Attention aux artisans ne maîtrisant pas leur sujet
Pourquoi ne pas avoir installé des panneaux solaires pour se chauffer ? ’’Trop cher, justifie Anne-Laure, mais nous avons installé un chauffe-eau solaire.’’ 7500 €, dont 4000 € pour la pose. A cela, il faut déduire 1000 € de subventions (par la région et le département) et 1500 € de crédits d’impôt. Un système couplé à l’électricité en cas d’absence de soleil est néanmoins nécessaire dans la région.
Pourtant, le couple n’a pas renoncé à son idée de départ d’être complètement autonome : ’’nous réfléchissons à un système éolien, comme ça se fait beaucoup en Espagne.’’ Mais la jeune femme de déplorer : ’’en France, l’éolien privé ne bénéficie d’aucunes subventions.’’
Même si pour eux le parcours a été plutôt facile, il n’en est pas de même pour tout le monde car de nombreux artisans connaissent peu ou mal les nouvelles constructions écologiques : ’’depuis la seconde guerre mondiale et l’ère du parpaing et du ciment, autoconstruire est devenu compliqué.’’ Pour eux, pas de problèmes majeurs même si le revendeur de chauffe-eau solaire a omis de leur préciser – avant l’installation – que l’eau de pluie ne pouvait pas être utilisée avec ce type d’outil. Pas grave, les Nicolas ont un objectif : celui d’aller jusqu’au bout de leur démarche écologique quels que soient les obstacles… et le coût. Avec une addition de 120 000 €, le coût de cette maison reste tout de même ’’raisonnable.’’